A force de maîtriser des jeux différents, d’en changer régulièrement sans comprendre le mécanisme de désintérêt à l’œuvre, de plonger dans les livres de règles des jeux des autres MJ pour satisfaire mon penchant pour le « build » et l’optimisation, de rédiger des ébauches de JdRA jamais abouties, une lente agrégation d’éléments épars s’est peu à peu muée en proto-théorie sur «
ce qui fait un jeu équilibré et viable sur le long terme » à la différence d’un jeu que l’on classe vite comme « one shot » ou comme défouloir occasionnel.
Etant donné la difficulté d’évaluation et d’appréciation des éléments « background » et cosmogonie, cette section est volontairement mise de côté pour une première approche.
La partie règle pure est aussi délaissée car on peut discourir des heures sur le système de jeu mais au final seule compte l’appréciation personnelle.
En revanche, et cela répond à la question « mais que reste-t’il ? », l’articulation fondamentale d’un JdR repose, selon moi, sur les personnages jouables et les domaines d’activité où ils peuvent officier.
Ainsi, globalement trois classes de personnages apparaissent : le « combattant », le « social » et le « bâtisseur ».
Le Combattant : le premier type de personnage à être né (cf. D&D 1 où le JdR est au départ une extension du wargame), le plus décliné et le plus représenté à une table standard. Il est l’expression de la violence socialement prohibée, celle qui fut abandonnée au profit de l’État souverain dans le cadre du « contrat social » (l’État a le monopole de la violence), et permet d’évacuer la frustration (in)consciente lié à cet interdit.
Le Social : bien que la dimension sociale d’un jeu se développe par la parole et les échanges verbaux, et concerne donc tous les participants tout le temps de la partie, certains joueurs apprécient d’incarner un personnage habile aux discours, rhétoriques et autres manipulations, qui profitera d’un vaste réseau de contacts et sera au fait des intrigues de cour ou corporatistes.
Le Bâtisseur : l’artisan, le créateur, celui qui invente, fabrique, développe la technologie du monde, donne naissance à des créatures qui le serviront, etc. Ce personnage permet de concrétiser le désir de réalisation « manuelle », autre penchant naturel de l’Homme.
Mais ces trois classes ne font que refléter des possibilités réelles d’orientations d’un individu, aussi pour prétendre à l’équilibre et être intéressant sur le long terme, un jeu doit comporter une classe supplémentaire liée à un élément du jeu qui n’existe pas dans la réalité et donne corps au rêve et au fantastique, classe ici nommée «
l’Arcane » :
1°) «
la Magie » et «
le Psy »
Premier type d’Arcane, la dimension magique telle que développée dans les méd-fan de type
AD&D où le mage est une classe de personnage à part entière avec ses propres déclinaisons et possède le monopole dans ce domaine. Dans ce cas l’Arcane remplit parfaitement son rôle et le jeu est viable pour peu que cette classe ne surclasse pas les autres.
Alternative à la magie, « les pouvoirs psy » qui, dans le cas d’un jeu comme
Dark Sun, sont accessibles à tous dans une certaine mesure et ne sont pas l’apanage d’une seule classe de perso qui elle peut les développer totalement. Là encore, le système est viable.
Par contre, le cas du jeu
Atlantys où il n’y a pas de perso purement Arcane mais où tous y ont accès sans limite, montre vite ses faiblesses : si tous les PNJ y ont aussi accès, le fantastique devient banalité et perd son intérêt premier, si certains PNJ y ont accès, le groupe en rencontrera à chaque scénario pour équilibrer les oppositions (donc on revient au cas précédent) et si très peu de PNJ y ont accès les PJ abuseront de leur monopole et le jeu tournera en rond… (ce dernier cas reflète le pb d’Atlantys qui déçois le MJ dès la première partie).
2°) «
la Matrice »
Un jeu comme
Cyberpunk remplace la magie par la matrice au rang d’Arcane, en conservant le principe d’une classe de perso spécifiquement dédiée, mais en sortant les actions du Netrunner de la trame temporelle du groupe : la matrice étant un univers parallèle à la réalité commune, le Netrunner agit dans celle-ci hors du temps des autres PJ qui, pendant que le MJ s’en occupe,…ne font rien. Résultat : le Netrunner devient vite un PNJ contact du groupe… d’où mon invention (je n’ai pas peur des mots) du système
Access High qui permet de replacer cette Arcane dans la trame temporelle commune.
Le cas
Shadowrun est intéressant, ce jeu possède non pas une mais deux Arcanes : la magie et la matrice. La matrice est identique à celle de Cyberpunk et souffre du même problème (on aurait pu croire que les gentils créateurs se soient penchés sur le pb pour la version 4…mais non ; encore une fois ils auraient dû venir me lire, allez hop ça c’est pour les chevilles). Et pour bien faire, la magie possède aussi son propre monde parallèle (comme ça pas de jaloux, vous avez patiemment attendus que le Decker fasse ses piratages dans la matrice, et bien au point où vous en êtes vous attendrez que ce soit le mage qui ai fini dans le plan astral).
3°)
pas d’ArcaneComment ça rien ? ben oui, des jeux comme
Thoan n’ont pas d’Arcane proprement dite, le côté fantastique étant totalement (encore une fois hors background) assumé par la diversité des races jouables.
Polaris place son Arcane (la force polaris) au second plan et répartit son attrait entre mutations, milieu marin original et haute technologie.
4°)
The BestMon jeu préféré :
Agone.
Outre un background et une cosmogonie réellement novatrice pour un méd-fan, Agone est dotée d’une Arcane aux multiples facettes qui peuvent être adjointes à une des trois classes d’origine (combattant, social ou bâtisseur), jouées en temps que classe à part entière et combinées pour repousser les limites des possibilités. Et ouais, rien que ça ! Le tout sans dérive astralienne… Je le considère donc comme l’exemple à suivre pour obtenir un jeu équilibré et viable à long terme.
Enfin, à mon sens,
RuneQuest et
Elric rejoignent le principe Dark Sun,
HawkMoon également mais place en Arcane une technologie aux possibilités débridées et irréelles.